Il y a la Colonie, une constellation d’habitats spatiaux cachée au sein d’un système stellaire isolé et sans intérêt. Et puis il y a Duke, le Président de ladite Colonie, élu au poste car il était précisément le type qui le désirait le moins. Essentiellement honorifique, le job s’avère toutefois offrir certains avantages. En temps normal… Car voilà qu’une sonde terrienne franchit les limites du système. La pire des nouvelles au regard des membres de la Colonies, eux qui, sous la houlette d’Isabel Potter, généticienne de légende, ont élaboré une utopie contrainte de fuir l’autorité du Berceau depuis plus de cinq siècles. Or, en ce qui concerne le viol des strictes lois bioéthiques terriennes, il n’existe aucune prescription, et la Colonie n’encourt rien moins que l’annihilation. Sauf à ce que Duke, contre toute attente, ne se révèle l’homme de la situation…
Le Bélial – 112 pages – 8,90 euros.
Une novella de science-fiction inspirée qui vogue dans l’espace froid et vide d’entre les mondes…
Le Bélial ayant publié récemment de nouveaux titres dans leur collection Une Heure Lumière, me voici reparti dans un univers de science-fiction étonnant ! C’est avec une couverture majestueuse et une quatrième de couverture intrigante que j’entame mon premier parcours en compagnie de Dave Hutchinson.
Voici que sonnent mes cent cinquante ans. Dehors, il y a un vacarme effroyable qui me réveille. Sans ouvrir les yeux, j’essaie de deviner ce qui peut provoquer un tel bruit. La sonnette est pourtant désactivée. Rien ne peut provenir de la cuisine, que je n’ai pas utilisé depuis l’avant veille. Ce n’est ni le téléphone, ni même l’alarme de décompression, qui hurle tellement fort qu’il est impossible de passer à côté sans courir vers une combinaison d’urgence. Au dessus de mon visage, une voix se fait entendre. Elle cherche à communiquer avec moi des informations capitales, à moi, qui suit en congé. Mais même en congé, le président que je suis ne peut jamais être tranquille. Il avait pourtant donné toute autorité aux personnes qui le remplaçaient. Le problème est manifestement plus grave. Une intrusion a eu lieu.
Un rocher. Toujours un rocher. Telle est la nature de l’objet qui a traversé la barrière de protection sans même avoir été détecté en temps et en heure. Le rocher a pénétré en-système – la zone interne de la ligne d’alerte – et y progresse à bonne vitesse. La barrière se tient déjà plutôt loin de sa trajectoire. Je reste là, à profiter encore du confort de mon cocon. Je regarde ma chambre, spacieuse et sphérique, avec mes vêtements qui y flottent. Presque en un instant, le complexe cellulaire greffé à mon foie me sort de la torpeur de ma gueule de bois. J’actionne l’ouverture de la ceinture de mon cocon et me met à flotter dans la pièce pour rejoindre la porte. C’est alors que deux chats entrent, en furie, se battant dans un combat éperdu. J’avais hérité de ce logement autant que de ces fauves qui occupaient les lieux…
Un space-opera riche de vaisseaux qui ont l’apparence de rochers évidés !
Ce récit résonne comme une poésie à la hauteur de ses vaisseaux à l’allure peu commune qui voguent dans les tréfonds de l’espace. Jamais je n’aurais pu penser que des gens allaient attraper des objets célestes, pour les vider de leurs matières nobles et riches, afin ensuite de les remplir de matériel et d’y fixer des propulseurs. Voilà une idée bien originale ! Dès les débuts de ce texte, je me suis demandé où l’auteur voulait en venir. Je n’avais que peu d’informations en ma possession. L’univers commençait lentement à se mettre en place, avec ses bizarreries et ses petits détails troublants. Surtout sur la vie de cet homme, Duke, qui est devenu président sans vraiment le vouloir. Du moins, c’est ce que tout le monde pensait. Autrefois affiché sur le devant de la scène pour promouvoir sa candidature, voilà qu’il s’était retiré pour une histoire personnelle. Quel n’était pas sa surprise quand il apprit qu’il avait été élu. Tous pensaient qu’une carrière politique ne l’intéressait plus, il devenait donc le candidat idéal. Autant donner le pouvoir à des gens qui n’en veulent pas pour éviter toutes sortes de désagréments et de mauvaises surprises.
Ce personnage est bien construit et profite d’un caractère bien trempé. Même s’il est difficile de se faire une opinion en aussi peu de temps, Duke est touchant et ses positions sont compréhensibles. Il y aussi tous ces termes employés, tels qu’Écrivains ou encore Direct qui évoquent des inventions de l’auteur. Je me suis dit : « Cool, une histoire de science-fiction qui fait intervenir des auteurs ! » Bon, ce n’était pas vraiment ça, mais on était pas loin, puisqu’ils inventent et écrivent des choses, même si ce n’est pas sur le papier. J’aurais aimé que cette caste des Écrivains soit davantage développée. On ne sait que très peu de choses sur eux. En revanche, on en apprend beaucoup sur Isabel Potter, une chercheuse en génétique originaire de la Terre. Elle fait office de point central dans cette intrigue, et tout converge vers elle. C’est une femme redoutable et très énigmatique. Dommage qu’on ne fait que parler d’elle sans l’apercevoir !
J’ai apprécié ce voyage qui a lieu quelques siècles dans le futur. Cette histoire fait le lien avec notre époque et les recherches d’Isabel Potter. Dans ce monde ayant conquis l’espace, le commerce spatial est devenu une réalité à part entière et récolter des matières devenues introuvables sur Terre une priorité. Mais, malgré l’avancée technologique et le retrait de certaines lois, les crimes perpétrés par Isabel ne resteront jamais impunis. L’Agence compte bien retrouver sa trace et le lui faire payer. Cette bataille infernale et quasi éternelle offre un dénouement formidable auquel je me suis attendu à mesure que la lecture progressait. Un retournement de situation vu de loin, mais qui ne retire pas la magie de ce monde aux multiples technologies de propulsion, et à cette volonté acharnée de la Colonie de survivre coûte que coûte.
Ma note : 4/5